...et ils se croient aimés de lui. Cent trente moines et moniales visités par «la Vie à l'endroit» racontent leur expérience de fraternité mixte
L'air d'un premier rôle dans un film américain, un sourire, une flamme, tel est apparu à LCI Christophe Aguitton, l'un des quatre meneurs de la fronde des chômeurs. Lui a un emploi : à France Télécom. Devant cette version moderne de Robin des Bois, on se disait que le gouvernement n'est pas au bout de sa peine... On a connu des soirées plus brillantes dans l'ordre du divertissement mais ce spectacle Balasko, entourée de sa joyeuse bande du Splendid, fut gai et bon enfant. C'est une nature, Balasko, une force comique... Les femmes comiques, cela n'existait pas autrefois. C'est un terrain qu'elles ont conquis et qui en dit long : je ne veux pas vous séduire, je veux vous faire rire parce qu'il n'y a rien de plus difficile. Plus calé que de pousser la romance. Donc, on a ri avec Balasko et ses complices. Merci beaucoup. Pas de quoi rire, en revanche, avec l'histoire de Kirk, 40 ans, 180 kilos, canadien. Elle commence alors qu'il entame sa sixième tentative pour maigrir. «J'offrirais à Dieu trois ans de ma vie pour être mince.» Mais tout échoue. Quand il parle de lui, du regard des autres sur lui depuis l'enfance, Kirk est déchirant. Le martyre de l'obèse, un médecin, obèse lui-même, l'exprime en deux mots : «Les gens me détestent...» Et il pleure. Un jour Kirk, qui s'occupe d'enfants maltraités et qui est très fort pour aider les autres, décide d'en faire autant pour lui. Il fonde un groupe de soutien et invite tous les «gros» à venir le rejoindre. Ils arrivent nombreux, hommes et femmes qui ont tous été persécutés par ce qu'ils appellent «le lookisme»: la religion de l'apparence. Tu es mince ou tu meurs. Chacun raconte les tourments qu'il a connus, le chemin qu'il a suivi pour parvenir à assumer son corps. Et Kirk, à son tour, va en être capable. «Je peux m'imaginer comme un obèse heureux.» Ce long récit d'une longue douleur était beau. Déception : «le Rouge et le Noir», inspiré du roman de Stendhal. Oh! c'était du travail propre, soigné, Claude Rich parfait comme souvent, mais ces deux héroïnes sublimes, Mme de Rênal et Mathilde de La Mole, qu'en a-t-on fait? Un glaçon et une pécore... Mathilde! On ne sait s'il faut en faire grief aux interprètes, ou à celui qui les a dirigées. Mais on était très fâché. Et puis voici, dans «la Vie à l'endroit», des moines un peu particuliers : ils ont 30-35 ans, une activité professionnelle, mais ils ont entendu l'appel du Christ et concilient ce qui pourrait paraître inconciliable : la vie civile et la vie monastique. A l'origine de cette initiative née en 1975, un ancien aumônier de la Sorbonne. Aujourd'hui, moines et moniales sont 130 qui vivent répartis en une vingtaine de fraternités mixtes. Ils ont fait vœu de pauvreté et de chasteté, bien sûr. L'un sort de l'ENA, une autre était attachée de presse chez un couturier, un autre vient d'une secte. Ils parlent tous de leur expérience spirituelle avec de grands rires, de l'humour, un plaisir évident à se raconter et usent des mêmes images pour dire l'illumination qui, un jour, les a frappés, tel Claudel derrière le pilier de Notre-Dame. «J'étais un fêtard, dit l'un, je sortais beaucoup.» Et un autre : «J'ai aimé passionnément la vie.» Adieu la fête, maintenant c'est Jésus qu'ils aiment, et ils se croient aimés de lui. Là est le sens de leur vie. Une ombre sur la lumière pour les jeunes femmes : elles n'auront jamais d'enfant. Elisabeth Guigou nous a promis sur LCI des actions énergiques en matière d'insécurité. Son discours était celui d'une mère de famille scandalisée par la prolifération de ces jeunes incendiaires auxquels«on n'a pas appris à distinguer le bien du mal». Des voyous? Pas tous, pas vraiment. Ils n'ont pas de surmoi, ils roulentsans frein. Que va-t-on faire de ces enfants perdus si toutefois ils ne glissent pas entre les mains de la police? On va créer des lieux où ils seront encadrés, complètement pris en charge, et rééduqués. Est-ce la bonne méthode? Il est tempsen tout cas d'en avoir une, et de passer de la fermeté du discours à celle des actes. En attendant, la publicité donnée par la télévision aux déprédations est la mieux faite pour propager la contagion. Ce n'est pas de l'information, c'est de la provocation. F. G.
Jeudi, janvier 8, 1998
Le Nouvel Observateur