Ce qu'il y a de troublant chez le philosophe Michel Onfray, c'est que ce rebelle n'a vraiment pas le physique de l'emploi...
On est toujours le riche de quelqu'un. Ceux et surtout celles qui font les frais de la politique Aubry d'allocations familiales se hérissent quand on leur dit qu'avec 35000 francs par mois un ménage est «aisé». Mais la moyenne française est de 13000 francs par mois. Reste que la suppression de l'Aged, l'allocation de garde, qui ne touchera que 65000 foyers, est une faute psychologique qui sera d'un faible rapport financier et d'un fort rapport de mécontentement. Lionel Jospin ne m'a pas convaincue qu'elle s'imposait. Mais quand il parle, il a l'air d'un être humain et non d'une machine technocratique, il est sobre, il prend le public à témoin au lieu de lui asséner ses vérités. Il y a un style Jospin et il est bon.«Capital» a exploré les épreuves auxquelles doit se soumettre un demandeur d'emploi dans une grande surface. Questionnaire, entretien de groupe, pièges de toute sorte, pour le tester. Un sur quatre est écarté. Les diplômes des écoles de commerce sont appréciés. Les diplômes scientifiques dédaignés. Un doctorat ne vaut rien. C'est surtout dans les pizzerias que l'on retrouve les diplômés, bac+4, bac+5. Là ils travaillent comme des fous, quatorze heures par jour. Ou bien ils sont intérimaires ici et là. Employés pour quelques jours. Les plus hardis partent pour la Grande-Bretagne. Ils sont assurés d'y trouver un petit emploi, mal payé et inintéressant, mais ils apprennent la langue. Dur, dur, d'avoir 25 ans aujourd'hui (M6).Max Gallo est à la fête. Son «Napoléon», dont il publie le troisième tome, se vend comme des petits pains chauds. Cette façon qu'il a de vous faire entrer dans l'intimité de son héros, dans le secret de ses pensées, dans la moindre de ses humeurs fait merveille auprès du public. Comme le lui a dit Charles Pasqua à «Droit d'auteurs»: «Vous avez réussi à mettre du suspense dans une histoire dont tout le monde connaît la fin.» L'auteur écoutait, modeste, les éloges pleuvoir.Zoé Valdés, romancière cubaine, en eut aussi sa part. Elle a écrit un livre cru, à l'écriture débraillée mais plein de couleurs, sur soixante ans de la vie d'une femme dans son île. Jean-François Deniau enfin, brillant comme à l'accoutumée, présentait le deuxième tome de ses Mémoires, celles d'un homme qui, de mission diplomatique en mission diplomatique aux quatre coins du monde, n'a cessé de risquer sa vie et de sauver celle des autres... Son palmarès est ébouriffant. Il y a du d'Artagnan chez cet homme-là.Thème de «Bouillon de culture»: l'insoumission. Un beau sujet assurément. On est toujours trop soumis. Michel Onfray, philosophe, a développé fermement sa pensée. L'autorité lui est insupportable, l'obéissance invivable, la soumission impossible. Anarchiste? «J'aimerais bien.» Mais plutôt libertaire. Et en même temps hédoniste. Comment est-ce qu'il concilie l'hédonisme avec son admiration pour Auguste Blanqui? Aucun problème. Ce qu'il aimait chez Roger Vailland, c'est que ce communiste roulait en Jaguar. Prêche-t-il comme Blanqui l'insurrection armée? Elle est parfois nécessaire. Il ne détestait pas se voir lui-même sur une barricade. Qui seraient les ennemis? Le fascisme, au train où il progresse. Le troublant chez Michel Onfray, ce n'est pas le caractère subversif de ses propos, qui après tout ne sont pas neufs et auxquels il ne faudrait pas tellement se forcer pour adhérer, ce qui est troublant, c'est qu'il n'a pas le physique de l'emploi. Ce jeune homme qui vous passerait volontiers quelques capitalistes par le fil de l'épée a l'air d'un bon jeune homme incapable d'écraser une mouche. On verra quand barricades il y aura («Politique du rebelle»).Autres insurgés à l'honneur, la plus illustre, Antigone. Henry Bauchau lui a consacré une sorte de biographie, un beau livre où il comble, dit-il, les trous de Sophocle. Et bien sûr Che Guevara, évoqué à propos d'un film de Maurice Dugowson. Dugowson en parla bien. Il avait, dit-il, ce qu'il fallait pour devenir un mythe : «Il était beau, il est mort jeune, il marchait à côté des tapis rouges.» Décidément, quelque chose ne va pas dans «Public». Ce n'est pas Michel Field, qui fait ce qu'il peut, mais la structure même de l'émission, décousue, éparpillée, mal ficelée. Nicolas Sarkozy s'y est montré agressif comme un roquet auquel on marche sur la queue. On l'a connu meilleur. F. G.
Jeudi, octobre 2, 1997
Le Nouvel Observateur