Même quand elles sont - ce qui est rare - confrontées à l'exercice du pouvoir, les femmes ne sont pas «des hommes comme les autres». Tant mieux
Les femmes qui détiennent le pouvoir dans une entreprise, ou qui y aspirent, sont toutes d'implacables salopes. Pourquoi? La rage de survivre. Elles ont peur de se retrouver à l'ANPE. C'est le système économique qui veut cela. Il faut le changer. Tel est, si je l'ai bien compris, le postulat sur lequel Jean Marboeuf a construit un film - certains dirent une fable - auquel Bernard Pivot a généreusement consacré une bonne moitié de son émission. Ses autres invités écoutaient, mal à l'aise, ne sachant s'il fallait sourire ou s'indigner... Heureusement, leur tour vint enfin de prendre la parole et on parla plus sérieusement de l'ouvrage de Janine Mossuz-Lavau et Anne de Kervasdoué, «Les femmes ne sont pas des hommes comme les autres». Enquête très riche dans tous les milieux, portraits de femmes d'où il ressort que les femmes ne subissent plus. Elles revendiquent et elles verbalisent leurs revendications. L'obligation de résultats à quoi les conduit leur double vie, privée et publique, les oblige à être fortes, plus fortes que leurs compagnons. Elles le sont et elles le savent. «Mais il ne faut pas le leur laisser voir.» Les hommes disent souvent : «Elles sont devenues très personnelles...» Cela n'empêche pas 60% d'entre eux de ne jamais rien faire à la maison. Les femmes patronnes? On peut gouverner sans exhiber sans cesse son pouvoir, sans esbrouffe. C'est généralement le cas des femmes. A cet égard, aussi, les femmes ne sont pas des hommes comme les autres. Elles sont moins attachées aux hochets du pouvoir. Le philosophe Alain Etchegoyen, qui se flatte d'adorer les femmes, fit un développement très rousseauiste sur la différence de «nature» entre homme et femme. «Vous ne parlez que de la nature, dit Janine Mossuz-Lavau. Et la culture?» Il n'en nie pas le poids et reconnaît qu'il y a une marge de liberté par rapport à la nature. C'est ce qui nous distingue de l'animal. Le mardi précédent, journée des femmes oblige, «le Monde de Léa» avait fait le point sur l'IVG. Point inquiétant quant au manque cruel de moyens qui affecte les établissements et les médecins pratiquants. Résultat : 5000 femmes vont chaque année avorter aux Pays-Bas. Ce qui revient à dire que la pénurie de moyens pénalise, comme toujours, les plus démunies. C'est doublement choquant. La longue enquête consacrée par «Envoyé spécial» aux réseaux islamistes à travers l'Europe ne se résume pas. Passant de la France à la Belgique, de l'Italie à la Grande-Bretagne, elle donnait une image impressionnante des intégristes, de leurs méthodes d'évangélisation, de leur fanatisme. En Grande-Bretagne, ils prospèrent librement et s'y réfugient lorsqu'ils sont expulsés de France. En Allemagne réside le président du FIS à l'étranger, qui déclare : «Je suis la tête pensante.» D'Italie, où ils ont des connexions avec la Camorra, viennent armes et munitions. N'y a-t-il donc pas de coopération européenne contre les terroristes? Non, ou si peu. Le terrorisme est une lèpre française, alors... L'abolition de la peine de mort fut l'une des grandes batailles de la République. Elle n'est pas menacée en ce sens qu'il faudrait dénoncer la Convention européenne des Droits de l'Homme adoptée depuis. Mais que quelque crime abominable se produise et des cris s'élèvent... Robert Badinter a raconté le chemin qui l'a conduit à demander l'abolition en 1981. Le suivirent alors, parmi les députés de la droite, courageux, Jacques Chirac, Philippe Séguin, pour ne citer qu'eux. Il fut émouvant, éloquent, sobre. Il reste que, dans l'esprit public, rôde le cauchemar de la récidive. Comment la prévenir? C'est un autre débat. Il serait bon qu'il ne s'enlise pas (La Cinquième). Pierre Mazeaud, président de la commission des Lois, est sympathique avec sa grande gueule et ses pieds gelés dans l'Himalaya. Que l'on souscrive ou non à tout ce qu'il dit est une autre histoire. Mais il y a toujours une petite flamme d'humanisme qui l'habite. Il dit ce qu'il pense, fortement - «Je crains le fascisme. Je hais Le Pen» - ,il dénonce l'excès de pouvoir des conseils régionaux, il se décrit comme un homme de conviction avec trop de tempérament, indocile, frondeur. C'est qu'il aime la France, charnellement. Rien que pour cela on pourrait se sentir d'accord avec lui («7 sur 7»). F. G.
Jeudi, mars 6, 1997
Le Nouvel Observateur