Telles que Giesbert et Benamou les ont relatées chez Pivot, les ultimes confidences de Mitterrand ne semblent décidément pas celles d'un homme qui se meurt...
On pensait à Truffaut, on pensait surtout à Rohmer... C'est un joli film qu'Arte nous a offert avant sa sortie en salles, «l'Age des possibles». Mais Pascale Ferran n'a pas besoin de parrainage : elle a son ton à elle. A l'origine, il s'agissait d'un exercice imposé: réaliser un film avec dix jeunes comédiens du Théâtre national de Strasbourg, en un temps et avec un budget limités. Pari tenu. Au début, les choses flottent un peu, mais bientôt elles se mettent en place, et ces petites scènes entre jeunes gens ordinaires, étudiants ou en quête d'emploi, qui ont de la peine à être, dont les amours incertaines se font et se défont, ont une justesse de ton remarquable. Ainsi ce «rien» que l'un des garçons sent en lui jusqu'à en pleurer. Que devenir quand on n'est rien? On se téléphone beaucoup, on s'embrasse, on essuie des larmes furtives, on se cherche, on rit, on danse, on est suspendu dans la vie, pas encore inséré, on a 20 ans, 22 ans... On a peur, peur de vivre. Mais le film s'achève dans l'optimisme. Tout cela n'est pas parfait mais dégage une vraie séduction. La Mafia, on en a par-dessus les oreilles. Combien de reportages n'a-t-on pas vus sur elle? Et les corps mutilés, et les femmes en larmes, et les juges dans leurs voitures blindées... Reprise par «Envoyé spécial», l'histoire de la baronne Cordopatri, qui défend ses quarante-deux hectares d'oliviers contre la concupiscence de la Mafia, n'est pas banale, certes. Elle a osé dénoncer l'un ou l'autre, alors ils l'ont condamnée. A mort? C'est plus subtil. Ils l'ont condamnée à vivre seule avec ses oliviers dont aucun ouvrier ne veut assurer la récolte parce qu'il est persuadé d'y laisser sa peau. Mais la baronne tient bon. Son frère a été assassiné. Elle ne circule qu'avec une escorte. Elle a peur... Elle est, il faut bien le dire, fabuleuse. Avec «la Marche du siècle», on est retombé dans l'un de ces sujets paramédicaux que le public affectionne. Cette fois, il s'agissait de l'obésité. Un véritable calvaire, sans recours. Maigrir? C'est facile à dire... Travail de Sisyphe. Remarque à retenir de la part d'un médecin : attention à la télévision devant laquelle on traîne en grignotant. Ce serait l'une des causes de la propension à l'obésité des Américains téléphages. Dans l'année qui suivit la mort de Napoléon, cent livres sur lui furent publiés. On n'en est pas encore là avec François Mitterrand, mais c'est en bonne voie. Bernard Pivot a choisi de mettre deux ouvrages en valeur et il a bien choisi : «le Vieil Homme et la mort», de Franz-Olivier Giesbert, et «Mémoires interrompus», de Georges-Marc Benamou. Tout ce que l'on peut avoir encore envie de savoir sur François Mitterrand y est ou presque. Il est là, moqueur, désabusé, batailleur, ambigu. Le Giesbert est plus écrit, avec de vrais bonheurs d'écriture, plus intime aussi. Le Benamou est davantage corseté dans le système questions-réponses, mais il frappe par la fraîcheur de ton, la combativité. Quoi! est-ce là les dernières paroles d'un homme qui se meurt? D'un éternel lutteur, plutôt. Bernard Pivot avait invité le journaliste Stéphane Denis, antimitterrandiste notoire, pour qu'il apporte la contradiction. Mais, manifestement, ça ne lui disait rien. Le mitterrandisme sentimental le dégoûte. Et il ne trouva qu'un mot pour qualifier François Mitterrand : imposteur. On s'interrogea sur l'auteur de la phrase célèbre : «On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment.» Elle est du cardinal de Retz. Cela permet à Franz-Olivier Giesbert, spécialiste de la fausse citation de son propre aveu, d'en faire une juste à l'occasion. Il était gentil, Jean-Luc Delarue, quand il était petit et qu'il animait «la Grande Famille» sur Canal+. Lui est venue la grosse tête, quand Jean-Pierre Elkabbach l'a hissé sur des sacs de millions, et il est devenu mécanique, tout sec. «Ça se discute» ne se discute pas. Ce n'est pas bon. Le voilà mal barré, quelle que soit l'issue judiciaire de son conflit avec France 2. Le public est indulgent à ses bouffons, mais il n'aime pas qu'ils suent l'argent. Coupe de France : mon coeur était avec Nîmes parce que c'était l'équipe la plus modeste, la plus humble, et si ardente... C'est Auxerre qui l'a emporté. Saluons le vainqueur. Quant au PSG... Paris humilié, Paris écarté, Paris éliminé... Ah! misère! F. G.
Jeudi, mai 9, 1996
Le Nouvel Observateur