Dénonce les crimes de guerre perpétrés à Zepa en Bosnie, où elle se rendit pour le compte de l'AICF
Comment les Serbes ont piégé les Bosniaques à Zepa.
La guerre, ce n'est jamais joli. Mais quelquefois, c'est infâme. Ce que je viens de voir en Bosnie, l'épouvante sur le visage des femmes de Zepa, c'était la trace vive de l'infamie. Zepa est la dernière enclave bosniaque déclarée zone de sécurité protégée par les Casques bleus, qui a été « purifiée » par les Serbes. Les Casques bleus qui la gardaient était ukrainiens.
On a dit, on a écrit que la chute de Zepa avait été beaucoup moins dramatique que celle de Srebrenica, que les choses s'étaient « bien passées », que la population avait été expulsée « en douceur », en quelque sorte.
Or j'ai vu de mes yeux vu, entendu de mes oreilles les premières réfugiées qui arrivaient de Zepa. Voici ce qu'elles m'ont raconté. Quand les combats ont commencé autour de Zepa, la population est montée dans les collines pour y échapper. Ces combats ont été brefs, les Serbes étant très supérieurs en nombre.
Alors une poignée d'Ukrainiens s'est dispersée dans les collines, et a entrepris de rassurer la population de Zepa. « Venez, leur a-t-on dit, rejoignez vos maisons, vous ne risquez rien, nous vous protégerons. » Une partie des gens se sont méfiés. Les autres, hommes, femmes, enfants, ont eu confiance et sont descendus.
Uniforme volés
Les Serbes les attendaient en bas. Selon leur technique habituelle, ils ont séparé les femmes, les enfants et les vieillards des hommes. Et ils ont abattu tous les hommes. Tous. Sous les yeux de leurs femmes et de leurs enfants.
Les Casques bleus ukrainiens étaient des Serbes qui avaient volé des uniformes pour tromper la population. La loi de la guerre punit sévèrement une telle ruse. Elle la punit de mort.
Je dis qu'il faut retrouver ces hommes et les juger à la hauteur de leur crime. Le massacre des hommes, une fois accompli, les Casques bleus ukrainiens - les vrais, cette fois -, écœurés, ont voulu se retirer. Alors les femmes se sont jetées par terre, elles ont fait un tapis de leur corps pour que les camions ne puissent pas bouger, elles ont supplié : « Ne nous laissez pas... » Mais les Serbes ont obligé les femmes à se relever, ils ont commis quelques viols sous leurs yeux - les femmes de Zepa ne veulent pas en parler, elles ont honte -, ils ont embarqué les plus jeunes et les plus jolies pour leur consommation personnelle. Et voilà ce qu'on appelle une opération qui s'est « bien passée ».
J'étais en Bosnie au titre de l'AICF, l'une des plus importantes ONG françaises, qui a là-bas une forte mission très active. Il n'entre pas dans la vocation de l'AICF de prendre parti dans un conflit auquel elle se trouve mêlée. Son rôle est de soigner, de nourrir, d'aider, de soulager.
Mais que faut-il faire quand on est informé par des témoins meurtris, nombreux, concordants, d'une telle barbarie ? Il est impossible de se taire, sauf à en être complice. L'AICF demande donc au secrétaire général des Nations unies la création d'une commission d'enquête indépendante sur les crimes particuliers de Zepa. Pendant la Seconde Guerre mondiale, on pouvait dire : « Je ne savais pas... » Il faut que personne n'ose plus dire aujourd'hui, s'agissant du martyre de la Bosnie : « Je ne savais pas... »