Suite au sondage sur les attitudes actuelles des 15-20 ans, réalisé pour TF1 et Le Nouvel Observateur, Alain de Sédouy organise une rencontre entre un étudiant, plusieurs jeunes punks « exhibés » devant un ancien ministre. FG souligne le pathétique de la
Alain de Sédouy a toujours eu le souci de montrer aux jeunes gens que Maman Télévision s'occupe aussi de leurs préoccupations propres, qu'elle ne les exclut pas, les pauvrets, du cercle de famille nuitamment réuni autour du poste.
S'inspirant du sondage réalisé pour T.F.1 et « l'Obs » et publié ici la semaine dernière, sur les attitudes actuelles des 15-20 ans, il leur a donc mitonné une émission de deux heures (« les Choses de la vie ») toute à eux consacrée, avec ministre, s'il vous plaît.
J'aurais tendance à croire que, parmi les adolescents, les ministres, on s'en bat l'œil, comme on disait dans ma jeunesse quand on ne disait pas encore qu'on n'en avait rien à branler. De surcroît, ce ministre-là — Jean-Pierre Chevènement — ne l'était plus. Mais enfin, pour servir la soupe à un punk rigolard, un ancien ministre, c'est plus spectaculaire qu'un prof. Notons que le prof de service, Maurice Maschino, s'y est d'ailleurs dignement refusé.
Le punk français est une copie inoffensive du produit anglais du même nom, aujourd'hui hors d'usage, qui gémissait « No future ». Il était, on l'a constaté, pratiquement absent du sondage de « l'Obs », lequel accuse d'ailleurs la décroissance de la marginalité dite « contestatrice militante ». Allez savoir pourquoi trois exemplaires de l'espèce, crête dressée entre deux plaques de tonsure, ont été interminablement exhibés, écoutés, dorlotés, tels d'authentiques représentants de la jeunesse, tandis qu'en face d'eux le père de l'un, la mère de l'autre, douloureux, se tordaient les mains...
Si cette confrontation familiale publique leur a fait du bien, allons, tant mieux ! Mais on aurait pu louer une petite salle pour que ça se passe entre eux devant cinquante personnes compatissantes. La psychothérapie des autres, c'est toujours mortel.
Pitoyable, une petite punkette butée, enceinte, muette, serrait le cœur, tellement plus vieille sous ses dix-sept ans que les deux fanfarons qui l'encadraient. Comme souvent les filles. En contrepoint, moins minoritaire mais non représentatif, lui non plus, d'un groupe majoritaire, puisqu'il prépare math sup et se destine à une grande école, il y eut bien un jeune garçon à vous remonter le moral tant il paraissait à l'aise dans sa peau. C'était le héros positif.
Mais après avoir imprudemment déclaré qu'études faites il ne détesterait pas gagner de l'argent, il ne réussit plus, bien qu'il ait de la défense, à placer un mot. Englouti sous la réprobation générale ! Pouah ! dirent en chœur punks et messieurs d'âge mûr pour faire jeune, et de gauche. Ce qui eût mérité d'être souligné par l'animateur de l'émission, c'est l'ambivalence pathétique de cette réprobation. Il était si clair que le père du grand niais punk eût préféré avoir ce fils-là plutôt que le sien, si clair que les petits punks ricanants se seraient joyeusement accommodés d'un diplôme d'ingénieur, quitte à n'en pas user avant que leurs cheveux repoussent... Que vont-ils devenir, ces gosses analphabètes ? Ah ! tristesse... Quelques visages émouvants, quelques mots justes, et sobres ont aussi traversé cette émission. Hélas, on peut craindre que de ces deux longues heures le public n'ait retenu que le dévergondage.
Dommage. Il était intéressant, ce sondage...
Mardi, octobre 29, 2013
Le Nouvel Observateur
société