Émission consacrée au pianiste Rubinstein. Une autre au grimpeur français Patrick Edlinger. Loue ses exploits.
Vatel s'est suicidé pour moins que ça ! On n'en attendait pas autant de la part des responsables de cette affaire de grue vagabonde qui n'arriva pas plus à Latche que la marée sur la table de Condé. Mais un peu de contrition n'aurait pas été superflu. Au lieu de quoi fut propulsé, lundi soir au journal d'A.2, un faux coupable. Le malheureux dirigeant d'une entreprise privée nommée — c'est le bouquet !
— la Prévoyance, dont le chauffeur n'avait pas eu envie, crut-on comprendre, d'aller passer le jour de l'an dans les Landes, au volant d'un camion-grue. Le pauvre homme n'imaginait pas que l'intendance, à la télévision, c'était si mal foutu que les ondes de la voix présidentielle étaient suspendues à son camion. Qui l'eût imaginé à sa place ? Pourvu que, du côté du plateau d'Albion, les techniciens soient moins légers que du côté des transmissions, c'est ce que l'on ose maintenant espérer.
Ève Ruggieri est agréable à regarder et elle a de jolies jambes. Quelquefois, c'est insuffisant. Mais, s'agissant d'Arthur Rubinstein, à qui elle avait choisi, lundi, de rendre un hommage posthume, il était là pour faire le travail. Et cette leçon d'amour — amour de la vie et de la musique intimement liées —, donnée au travers d'extraits des multiples émissions qui lui furent consacrées, fut bien plaisante.
Les amis de Rubinstein se gardèrent d'être trop bavards, et Mme Rubinstein, qui n'est plus une jeune femme à soixante-dix ans passés, eut la grâce effarouchée d'une jeune fille d'autrefois pour livrer quelques souvenirs personnels.
Formidable bonhomme que ce bonhomme-là. Et formidable image, celle du vieux Rubinstein se délectant à écouter l'un de ses anciens enregistrements. Tout y était, sur ce visage : le cabotinage inséparable du personnage, en même temps que l'inusable capacité d'émerveillement. Si ce pianiste, l'un des grands interprètes de son temps, certes, est devenu une vedette de la télévision alors qu'il ne jouait plus guère, il ne le doit évidemment pas à sa virtuosité. Plutôt à ses mimiques, à l'exubérance de sa verve, mais aussi à cette audace qu'il avait de paraître heureux fût-ce dans ses quatre-vingts ans. Comme si c'était, en somme, une décision à prendre. Manifestement, il l'avait prise de bonne heure et s'y tenait.
L'admirable est qu'un homme ait pu traverser tout au long ce siècle de fer, polonais, juif de surcroît en un siècle de sang, et dire, à l'extrême soir de sa longue existence : « La vie, c'est magnifique... »
Armé de ses mains nues, sans piton, sans corde, il escalade une paroi rocheuse abrupte, haute de plus « de cent mètres. Celle du Buoux. Vu de loin, on dirait un insecte sur un mur. Vue de près, la paroi est lisse, sans aspérités. Où trouve-t-il ses prises ? Pourtant il déplace un pied puis l'autre, une main puis l'autre, gagne un demi-mètre puis un autre, avec une grâce de chat. Spectacle vertigineux, fascinant, que l'on pourrait regarder des heures durant, qui dure de longues minutes, d'ailleurs, dans le film consacré à ce singulier jeune homme de vingt-deux ans, Patrick Edlinger, natif de Toulon, dont une caméra a suivi l'entraînement puis cette ascension en solo.
Un extrait de ce film, primé, est passé dimanche dans « Stade 2 ». Quelques jours avant, on avait pu le voir dans son entier, au cours des « Carnets de l'aventure ».
Il faut le rediffuser, à une heure de grande audience. Ce que fait ce jeune homme, au péril de sa vie, avec une sorte d'ivresse lucide, n'a aucun sens apparent. C'est une affaire avec lui-même qu'il mène là. Une de ces somptueuses extravagances dont seuls les humains sont capables et qui les rend aimables en dépit de tout.
Mardi, octobre 29, 2013
Le Nouvel Observateur
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