Fait de société lorsqu'une jeune femme est renvoyée pour tenue trop provocante. Contestation presque amusée de FG. Commente les débuts télévisés de Pierre Desproges en tant que Monsieur Cyclopède. Reportage sur l'URSS.
LA TELEVISION PAR FRANÇOISE GIROUD
Des tartufes partout
Qui n'avait envie de la voir ? Eh bien, on l'a vue, lundi, la ravageuse. Celle qu'une employeuse a licenciée parce que ses collègues masculins l'observaient avec trop d'intérêt au gré de ses collègues féminines. Du moins est-ce là ce que l'on a cru comprendre de ce drame national tel qu'il a été vécu par Mme Pascale Morel. « Sous un léger corsage... deux petits seins bien sages, comme c'est joli », fredonne Montand. Sage ou pas, orgueilleux ou pas fier, on n'a jamais vu qu'un sein libre deviné ne donne pas des distractions. L'effet de transparence n'étant pas la plus récente découverte de la technologie avancée, on a peine à croire qu'elle n'était pas au courant, la mignonne, et qu'elle va ainsi vêtue comme elle irait pieds nus, par commodité. C'est son droit, assurément, bien que des magistrats le contestent. Mais quelle est donc cette liberté-individuelle-du-travailleur ainsi bafouée ? Celle de faire... comment dire... rêver ?
Si monsieur le ministre du Travail veut l'inscrire dans la loi, il aura bien de la peine à la désigner plus précisément, du moins en termes décents.
Plus tard dans la soirée, on récitait « Phèdre » sur A.2. « Tartuffe » eût été de meilleure actualité.
Ce Monsieur Cyclopède qui vient de s'introduire dans nos foyers, il faut viser juste pour le saisir (à 20 h 35 sur F.R.3, à 20 h 36, c'est fini). Mais une occasion de rire, quel cadeau ! Surtout lorsque, précédant « la Minute nécessaire », l'Institut national de la Consommation vient de vous annoncer qu'il a trouvé des staphylocoques dans le bœuf à Rungis.
Si Pierre Desproges tient la distance, Monsieur Cyclopède a de l'avenir.
Cette tristesse ironique sur le visage usé d'hommes qui furent honorés avant d'être dégradés, cette mère pleurant doucement parce que son fils se meurt en prison, la petite silhouette d'Ida Nudel saisie retour d'exil en Sibérie, errant maintenant de ville en ville, objet de perfection dans le sadisme bureaucratique puisqu'on lui refuse à la fois le droit d'émigrer et le droit à résidence... Refuzniks, nouveaux intouchables, parias parce qu'ils ont demandé un visa d'émigration, le reportage-exploit réalisé en U.R.S.S. par Daniel Leconte et Jean-Louis Saporito n'a pas assombri gratuitement nos écrans, dimanche soir (A.2). Seule la publicité, l'intérêt entretenu autour d'eux en Occident peuvent empêcher qu'ils soient ensevelis sous les décombres de l'espoir aboli.
Au-delà de tragédies personnelles qui pourraient être abrégées s'en profile une autre, plus générale : l'abîme entre deux logiques. L'ambassade de l'U.R.S.S. à Paris a protesté contre ce reportage, disant que tout citoyen soviétique est libre de quitter son pays. Je crois que ceux qui l'affirment le croient. Simplement, dès lors qu'un homme ou une femme nourrit un tel projet, il ne peut être qu'intrinsèquement pervers, prêt à mettre son cerveau malade au service de l'impérialisme. Et on le laisserait partir au lieu de le neutraliser sur place ?
Reste à savoir pourquoi, en ce domaine comme en tout autre, la logique soviétique devrait prévaloir sur la nôtre. Ce n'est pas cette émission qui risque de nous y convertir.
Remarque subsidiaire : que la « publicité » des refuzniks transite par une télévision socialo-communiste, comme disent les personnes distinguées, devrait conduire celles-ci à réserver leur jugement. Plutôt socialo-bêta, notre télévision, comme elle fut giscardo-bêta ? Oui, souvent. Mais ce n'était pas la semaine...
F. G.