Dénonce la relégation des femmes lors de la préparation de l'élection législatives
En omettant judicieusement de se présenter aux élections législatives, Mme Simone Veil, ministre de la santé, éclaire d'une lumière froide la situation des femmes dans la société politique actuelle.
Elles n'en sont pas écartées, puisque le gouvernement en comprend quatre. Le progrès est donc incontestable, fût-il modeste, par rapport aux années qui ont précédé l'élection de M. Giscard d'Estaing à la présidence de la République.
Mais quelle est l'origine de cette participation féminine récente à la conduite des affaires publiques ? La faveur du prince, et elle seulement.
Nous vivons sous un prince ennemi de la discrimination, dont les femmes auraient mauvaise grâce à se plaindre puisque, pour la première fois, elles ont été prises en considération, et cela sans hypocrisie. Mais s'il peut faire des ministres le président de la République ne peut pas faire des députés. C'est là le privilège des électeurs.
Or, pour que ceux-ci soient en situation de porter leurs suffrages sur des candidates aussi bien que sur des candidats, il faudrait qu'il y en eût dans les circonscriptions où elles auraient quelque chance d'être élues.
Et cela, c'est l'affaire des états-majors, comme on dit, avec cette manie des métaphores militaires qui conduit à « mobiliser » pour « livrer l'assaut » contre « le front ennemi » dans « une bataille décisive », etc.
Quel que soit leur camp, ces états-majors ne disposent que d'une poignée de circonscriptions dites bonnes. Une bonne circonscription, c'est celle où, présenterait-on un manche à balai, il l'emporterait sur le représentant de la tendance opposée.
Perles rares, ces circonscriptions font l'objet de trocs entre seigneurs en quête de fief. Y aurait, parmi ces seigneurs, des femmes, il est probable qu'elles ne se conduiraient pas autrement.
Mais il ne se trouve pas de femme qui dispose aujourd'hui d'une chaîne de journaux ; rarissimes sont celles qui possèdent une fortune personnelle suffisante pour alimenter la caisse d'un parti ; et aucune n'est en position de négocier des investitures avec les formations voisines.
Donc, sauf à avoir été élues du temps où il suffisait de se laisser porter par la vague gaulliste, et à s'être ainsi enracinée en terre sûre — ce qui, sauf erreur, doit être le cas de deux ou trois députées sortantes au plus, — aucune candidate des formations de la majorité ne disposera d'une « bonne » circonscription.
Mieux : Mme Florence d'Harcourt, député R.P.R. de Neuilly depuis que celui dont elle était suppléante s'est retiré, a été jetée hors de ce nid douillet par l'un de ces grands carnassiers qui ne font, dans la jungle politique, qu'une bouchée des petits oiseaux.
Rien ne me rapproche d'elle, mais on imagine mal que l'on puisse se conduire de façon plus indécente à l'égard d'une ardente et dévouée militante.
Et dans les autres circonscriptions? En examinant la liste des candidatures à ce jour annoncées, on voit la plupart des femmes cantonnées sur le chemin qui conduit à l'abattoir. Elles le prendront bravement, après quoi il sera évident, n'est-il pas vrai ? que l'électorat n'est pas favorable aux femmes. Tout comme s'il avait été honnêtement consulté.
Devant cette situation, qui n'est pas pour lui plaire, il ne restera plus au président de la République qu'à confier à Mme Florence d'Harcourt un secrétariat d'Etat... aux femmes battues, peut-être.
Mardi, octobre 29, 2013
Le Monde
condition féminine
politique intérieure