Sans titre

Sur le rôle nouveau de la télévision dans l'art de gouverner et communiquer avec la nation, art que maîtrise parfaitement VGE
M. François Mitterrand eût été prisonnier de la fraction communiste de son électorat.
M. Giscard d'Estaing sera prisonnier de la fraction conservatrice de son électorat.
Selon que l'on a rallié, l'autre semaine, le camp du premier ou celui du second, ces choses-là sont affirmées avec plus ou moins de force.
Pour avoir pensé et dit le contraire en ce qui concerne M. Mitterrand, j'ose dire que je ne crois nullement à l'impossibilité où sera M. Giscard d'Estaing d'avoir de l'audace, et dans le meilleur sens, s'il en a la volonté, le courage et le talent.
A M. Mitterrand, on faisait procès de naïveté. Bien sûr, il était insoupçonnable, mais avec de tels alliés, capables de mobiliser de telles forces, on allait bientôt le retrouver défenestré, nouveau Masaryk.
A M. Giscard d'Estaing, le procès est plutôt d'intention. Bien sûr, il en a affirmé d'excellentes, mais accorde-t-on crédit à un homme qui vouvoie sa mère pour comprendre les aspirations du peuple...
Il n'est pas certain, en effet, qu'il les comprenne, car il y faut autre chose que de l'intelligence. Mais alors, ce serait tant pis pour lui.
En tout cas, les jugements symétriques portés par les adversaires irréductibles de MM. Giscard d'Estaing et Mitterrand ignorent, semble-t-il, une dimension entièrement nouvelle de la politique moderne, qui s'appelle télévision. Comme si l'on avait oublié ce que Charles de Gaulle sut en faire. Encore en usait-il comme s'il avait été l'Enchanteur Merlin.
Ni M. Mitterrand, s'il avait été élu, ni M. Giscard d'Estaing ne sont des personnages magiques. Et ce n'est pas de sorcellerie ou de « charisme » qu'il s'agit d'user. Mais tout simplement d'un art que le nouveau président de la République maîtrise parfaitement : la pédagogie. Faire comprendre ce que l'on fait, et pourquoi, ce que l'on ne peut pas faire, et pourquoi, disposer d'un moyen de communication instantané avec la nation, regarder chaque électeur en face, pénétrer chez lui, lui parler sans surestimer l'étendue de son vocabulaire mais sans sous-estimer son intelligence, ce n'est pas seulement un puissant moyen de gouvernement. C'est aussi un puissant moyen de court-circuiter les forces sociales qui prétendent gouverner à travers vous et contrarier vos desseins.
Le président de la République, dans le système où nous sommes, n'est véritablement prisonnier que de lui-même. Ce n'est pas la moindre des prisons.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express