Sans titre

Le débat sur l'avortement met en lumière la sous représentation des femmes au Parlement
Jamais la sous-représentation des femmes au Parlement n'aura été plus éclatante qu'en ce débat sur l'avortement.
Une moitié du pays pratiquement privée de voix, interdite de parole dans les instances où on légifère, n'est-ce pas frappant, quoi qu'elle ait à dire sur quelque sujet et pas seulement celui qui avait attiré, dans les tribunes réservées au public, la plus forte concentration de femmes jamais vue au Palais-Bourbon ?
Elles auront été sensibles, sans doute, aux bonnes paroles — cela est dit sans ironie — que le garde des Sceaux, M. Taittinger, le ministre de la Santé, M. Poniatowski, ont eues pour parler d'elles, quand elles ont le malheur d'être affrontées à l'avortement. Mais on ne pouvait s'empêcher de songer aux sentiments qui auraient animé un public composé d'hommes écoutant une assemblée de femmes débattre du service militaire ou de la réouverture des bordels.
Cette sous-représentation des femmes là où l'on fait les lois et, a fortiori, là où l'on gouverne, n'est pas le fait d'une volonté délibérée de les écarter. Plutôt d'une volonté inconsciente, de réflexes profonds qui existent dans tous les partis parce qu'ils existent chez presque tous les hommes. Ils trouvent, partout, une bonne excuse : les électeurs. Et, même, les électrices. Va-t-on risquer l'échec en présentant une femme dans une « bonne » circonscription ? Quand l'échec est assuré, alors là, pas d'objection, au contraire.
Ce raisonnement ne prend pas en compte une vieille vérité : la seule personne à laquelle les hommes sont habitués à obéir, c'est leur mère. Là où une jeune femme peut en effet être handicapée si elle inspire aux électeurs des sentiments ambigus, une candidate à l'image maternelle n'aura pas plus de peine qu'un homme à inspirer confiance... si c'est une bonne candidate.
Une chose est sûre, en tout cas. Une Assemblée nationale composée pour moitié de femmes, à l'image du pays, n'aurait pas lu son journal en grommelant, pendant un débat touchant à l'essentiel de la vie.
L'affaire s'est achevée, comme on pouvait s'y attendre, par l'abdication de M. Messmer devant la majorité, et de la majorité devant ses responsabilités. Deux cent cinquante-cinq députés ont choisi, en somme, de dire par leur vote aux Françaises : avortez, nous ferons le reste.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express