Rebondit sur le match de tennis ayant opposé Bobby Riggs à Billie Jean King (femme), avec victoire de celle-ci car ne s'étant pas laissée prendre au piège de sa prétendue infériorité féminine. => en tire les leçons pour les relations dominants/dominés.
On sait que les ennuis des femmes ont commencé lorsque nos lointains ancêtres se sont mis debout sur leurs pattes de derrière. Jusque-là, elles couraient partout, et en particulier à la chasse, avec leurs petits sur le dos.
Des bébés bimanes et non plus quadrumanes, incapables désormais de s'accrocher à un dos devenu vertical, ont créé la femme sédentaire, tandis que l'homme s'en allait, tête haute, à la chasse.
Cela a dû se passer il y a quelques millions d'années. Nous n'en sommes pas encore remis.
Victime du poids des siècles, un ancien champion de tennis de 55 ans, Bobby Riggs, a proclamé qu'aucune femme ne saurait le défaire sur le terrain.
Victime du poids des siècles, la fameuse Australienne Margaret Court a perdu, devant lui, une partie de ses moyens. Elle était vaincue avant d'aller au combat, par l'idée même qu'elle se faisait de la prétendue supériorité de son adversaire.
Bobby Riggs l'écrasa. Il avait, avec délicatesse, choisi pour cette opération le jour de la Fête des mères. Si ce n'est pas clair, une notice d'explication est à la disposition des amateurs.
Alors vint une autre grande joueuse, Billie Jean King, 29 ans. Des nerfs d'acier. En face d'un adversaire de 55 ans, dans un sport où l'âge ne pardonne pas — mais où pardonne-t-il quand il s'agit de performance physique ? — elle devait gagner. Il fallait seulement qu'elle expulse d'elle-même toute notion d'infériorité.
C'est ce qu'elle a fait. Depuis que Billie Jean King a écrasé Bobby Riggs, au cours d'un match qui a mobilisé aux Etats-Unis plus de spectateurs qu'aucune rencontre n'en a jamais attiré, les Américains disent qu'elle ne s'est pas laissé « psyched out », c'est-à-dire que son adversaire n'a pas pu l'« avoir au psychisme ».
Les forts, les puissants, les seigneurs, les maîtres s'interrogeront utilement, à cette occasion, sur ce qui restera de leurs privilèges quand ceux ou celles qu'ils dominent ne pourront plus être « psyched out ».
Il restera la supériorité nue. Il n'est pas certain que le monde en deviendra plus juste. Mais cela nous changera un peu.
Mardi, octobre 29, 2013
L’Express
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