À la veille de l'élection présidentielle américaine, FG analyse la lecture qui pourrait être faite en cas de victoire de Nixon
Qu'est-ce qui fait voter un Américain quand il vote ? Rien d'original. Ses traditions familiales, son implantation géographique, son inscription sociale ; la situation de l'emploi et celle des prix ; ce qu'il craint de perdre, ce qu'il espère obtenir. La peur et l'espoir, pour lui et pour les siens. Rien d'original, vraiment.
Aux Etats-Unis comme ailleurs, une poignée d'électeurs, parmi lesquels on compte les intellectuels, votent en fonction de ce qu'ils croient être « le bien du pays », même s'il y a contradiction avec leurs intérêts personnels immédiats. Ces électeurs-là ne sont pas en nombre, mais ils ne sont pas négligeables par leur influence et leur ardeur mobilisatrice. Là non plus, rien d'original.
Comme ailleurs, majorité et minorité se balancent à peu près. C'est une fraction décisive d'électeurs hostiles aux extrêmes qui fait les victoires et les défaites en se déplaçant d'une consultation à l'autre.
Si, comme il semble, M. Nixon l'emporte — et quels que soient les sentiments qu'inspire le président des Etats-Unis — ce sera le signe de quoi ?
Il y a trois hypothèses.
Un : l'Amérique a perdu son âme. Ou, en termes moins vagues, elle a dépouillé la générosité, l'idéalisme, la candeur qui étaient liés à son caractère national s'il en existe un, et la faisaient aimer en dépit de ce qu'on peut regrouper sous le terme d'et cetera.
Deux : les Américains sont devenus, en majorité, des citoyens raisonnables, qui mettent leurs passions dans leur poche au moment de voter. M. Nixon a du sang sur les mains, il n'est pas aimé, il n'offre aucune perspective exaltante à ses concitoyens et saisit moins que personne leur imagination, mais il leur paraît être, pour l'heure, « le meilleur pour le job », comme ils disent. C'est ainsi qu'à l'avenir et de plus en plus, les nations développées désigneront leurs dirigeants.
Trois : M. McGovern ne faisait pas le poids en face d'un président en fonctions, traditionnellement imbattable. Ce qui a découragé les subventions, ouvertes et non occultes, comme en France, nécessaires, comme en France, pour soutenir sérieusement une campagne électorale nationale.
Si cette hypothèse est à retenir, les bailleurs de fonds défaillants se mordront peut-être les doigts. Rien n'est plus dangereux que d'éliminer l'espoir du jeu des institutions politiques. Il va aussitôt se fourrer ailleurs.
Mardi, octobre 29, 2013
L’Express
politique étrangère