Après les tentatives d'attentat à son domicile et au domicile de Philippe Grumbach, FG s'adresse à un membre de l'OAS et l'avise de leur volonté de résistance
Vous êtes, monsieur, de l'O.A.S. Et c'est à peine si vous en faites mystère. D'ailleurs, où est le risque ? Si vos amis triomphaient, vous ramasseriez bien quelques miettes du gâteau. Et dans l'autre hypothèse, vous n'ignorez pas qu'en démocratie la liquidation physique de l'adversaire n'est pas prévue au programme.
Votre choix procède donc d'une vue apparemment saine de vos intérêts personnels. Le moment est venu, pour vous et vos frères en O.A.S., de réapprécier votre situation.
Vous avez déposé, par l'entremise de l'un de vos livreurs, une bombe devant ma porte il y a quelques semaines. Elle a été désamorcée avant d'exploser. Dans ces cas-là, on dispose généralement de quinze minutes. Vous avez récidivé, vendredi, au domicile du rédacteur en chef de « L'Express », Philippe Grumbach. La mèche a été éteinte avant que le feu atteigne le détonateur.
Vous avez eu beaucoup de chance, monsieur.
Non que nous soyons d'une essence plus précieuse que telle ou telle de vos victimes, atteintes ou désignées. Mais nous avons un mauvais caractère et une bonne organisation.
Celle-ci nous a permis, jusqu'à ce jour, de soustraire à l'explosive sollicitude de votre association les bureaux où travaillent nos collaborateurs. Quant à la protection individuelle de chacun de nous, puisque vous nous obligez à y veiller, elle sera désormais assurée de la façon que je vais vous dire.
Vous serez, vous, monsieur, administrateur de l'O.A.S., notre otage. Est-ce clair ?
Aussi longtemps que nous pourrons continuer de faire avorter vos attentats, aucun danger, venant de nous, ne planera sur vous. Nous ne souhaitons même pas troubler votre sommeil.
Mais ne comptez pas que, le cas échéant, nous tendrons la joue gauche.
Nous ne vous disons pas cela sans répugnance et sans douleur. Il n'y a rien de plus respectable qu'une vie humaine, fût-ce la vôtre.
Et puis, d'une certaine manière, vous gagnez chaque fois que vous éveillez fureur et instinct de vengeance. Pour prospérer, il vous faut ce fumier que vous répandez sur la France. Pieux défenseur de l'Occident chrétien, vous êtes, monsieur de l'O.A.S., un nitrozococcus. À la campagne, on dit plus simplement ver de fumier.
Cependant, si peu de respect que nous ayons pour ce qui nous tient lieu de gouvernement, nous n'avons pas à nous substituer à lui dans une tâche de désinfection qui incombe aux services d'hygiène publique.
La question qui se pose aujourd'hui est celle-ci : devant un individu armé qui le menace, que doit faire le citoyen respectueux des lois ? Vous nous menacez, vous êtes armés, et vous faites usage de vos armes. Vos besogneux de la terreur viennent jusqu'au seuil de nos maisons, rôdent autour de nos enfants, se glissent — avec ces serviettes de faux représentants qui signent leurs silhouettes — dans nos escaliers. Et vous comptez que nous allons crier dans le désert — qui cela émeut-il, de nos jours, un attentat de plus ou de moins ? — et signer des pétitions ?
Non. Simplement non. De toute entreprise criminelle réussie par vos hommes de main, contre l'un de nous, nous vous tiendrons, vous, pour responsable.
Considérez, monsieur de l'O.A.S., que vous n'êtes ni menacé, ni condamné. Vous êtes avisé.
Mardi, octobre 29, 2013
L’Express
politique intérieure