Se révolte face au silence ou au manque d'informations diffusées par la presse après le bombardement en Tunisie.
Les Français n'aiment pas que l'on tue des enfants en leur nom. Ce n'est pas dans leur manière. Mais a-t-on tué des enfants à Sakiet ? Les lecteurs d'une partie de la presse quotidienne sont en droit de l'ignorer.
D'abord, il ne faut rien exagérer. Un bicot n'a pas d'enfants. Il a une marmaille. Un de plus, un de moins...
Si Caroline de Monaco avait été piquée par un moustiquet français, il va de soi que les lecteurs du « Parisien Libéré » en auraient été avertis, et que le ministre de la Santé publique aurait présenté nos excuses aux parents cruellement éprouvés.
Mais quelques petits Tunisiens ne valent pas, pour le quotidien le plus largement diffusé dans la région parisienne, une raison funèbre.
Pas un mot non plus du communiqué publié par l'ambassadeur de Tunisie, M. Masmoudi, à l'issue de son entrevue avec le général de Gaulle. Quant aux camions de la Croix-Rouge puisque, d'Alger, le général Salan ne les a pas vus, on se demande bien pourquoi de Paris, le « Parisien Libéré » les verrait.
Sur le commentaire dont chaque quotidien accompagne ses informations concernant le bombardement, toute observation serait superflue. Chacun a non seulement le droit mais le devoir d'en tirer ses propres conclusions. Mais les faits ? Pour dramatique qu'elle soit, l'occasion est bonne d'observer comment les Français en sont informés.
Les lecteurs de « France-soir », du « Monde »
et « Paris-Presse » ont trouvé dans leur journal un exposé plus ou moins abondant mais complet de tous les événements, y compris les réactions enregistrées à l'étranger...
Ceux de « L'Aurore » également. Mais oui. Et aussi ceux de
« Paris-Journal » et de « Libération ».
La mise en page, les titres des uns et des autres ont « tiré » l'information dans tel ou tel sens, mais tous les faits ont été rapportés.
Les lecteurs de « L'Humanité » ignoreront toujours, eux, la version donnée par Alger.
Quant à ceux du « Figaro », ils sont plus subtilement
traités. Pas un mot, lundi, du communiqué publié par M. Masmoudi, mais l'annonce mardi, d'une « mise au point » du général de Gaulle concernant l'entrevue. C'est le seul quotidien qui qualifie de « mise au point » le communiqué du général, laissant ainsi entendre que celui de M. Masmoudi en justifiait une.
La présence de M. Mendès France parmi les personnalités venues saluer M. Masmoudi avant son départ est largement signalée. Mais, de tous les journalistes parisiens, le rédacteur du « Figaro » est le seul à n'avoir pas également remarqué la présence, de parlementaires socialistes.
La presse étrangère est passée en revue. Mais ne sont cités que deux journaux d'Oslo et un journal suisse. De la presse américaine et anglaise, rien.
C'est là, techniquement, du très joli travail.
Parmi les quotidiens de province, « Le Dauphiné Libéré »,
« Le Provençal », « L'Est Républicain », « Le Progrès de Lyon », « Ouest-France », ont correctement informé leurs lecteurs privés seulement d'une revue de presse étrangère.
En revanche, qu'ont appris ceux de « La voix du Nord » ? Qu'un « grave incident militaire » avait eu lieu, et qu'on peut seulement regretter que la Croix-Rouge internationale soit malencontreusement mêlée à cette affaire ». A croire qu'elle l'a provoquée.
Ceux de « La Dépêche du Midi » n'ont pas été plus gâtés, mais ils auront eu, au moins, de quoi se réjouir en apprenant que « l'événement peut aider à la clarification de la situation ».
Un commentaire de « Combat » indiquait, mardi : « L'affaire de Sakiet doit selon toute logique, raffermir (au Parlement) la position de M. Gaillard. »
« Combat » a dit juste. La réforme constitutionnelle a perdu beaucoup de son utilité. A raison d'un bombardement tous les trois mois, la stabilité d'un gouvernement français est désormais assurée.
Mardi, octobre 29, 2013
L’Express
politique intérieure