Sans titre

Réflexion sur la mode de la nouvelle saison. Mode selon elle d'apparat qui ne répond pas aux besoins des Françaises
La mode ? Oui, bien sûr. Il y aura une mode de printemps.
Mais à voir les collections, on éprouve cette année — à tort peut-être, le sentiment que la mode est malade, qu'elle souffre d'un énorme malentendu.
Jamais sans doute elle ne fut plus belle, plus pure, plus propice à exalter le corps féminin dans ses lignes les plus fières — et non à l'exploiter jusqu'à cette frontière du mauvais goût qui porte le nom affreux de sex-appeal. Mais cette mode, qui la portera ? A quelles femmes s'adresse-t-elle ? De quel pays ? De quelle société ? C'est une mode qui suppose de ne pas sortir avant cinq heures, sinon peut-être pour faire un tour au bois ? Une mode qui nie l'autobus — même la voiture si l'on conduit soi-même ! — une mode d'apparat pour jeune reine amoureuse ou pour princesse mélancolique, dansant, très droite, sous un grand lustre de cristal.
C'est une mode pour héroïnes de Louise de Vilmorin. C'est, en un mot, une mode démodée. Or, le génie de Paris fut précisément, entre les deux guerres, de créer une mode vierge de toute nostalgie et de toute réminiscence, une mode hardie, aiguë, brutale, neuve, qui avait la couleur et le son de l'époque.
Il y a quelque chose de presque douloureux dans cet acharnement qui apparaît aujourd'hui à vouloir ressusciter les fantômes. Il y a en tout cas le signe d'une impuissance à assumer son époque et à vivre tourné vers l'avenir, impuissance dont la mode n'est hélas ! que l'un des multiples symptômes.
L'inquiétant, ce ne sont pas les robes de fête, les mousselines ruisselantes, les organdis innocents, et les grandes failles noires dramatiques... Aussi longtemps qu'il y aura des femmes, elles garderont le goût d'être diverses et d'empruter à une robe d'un soir une âme d'un soir. L'inquiétant serait que Paris ne sache plus faire que ces robes-là...
Alors la capitale de l'élégance deviendrait le musée de la mode.

F. G.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express