Vote d'un crédit pour aider à la reconstruction de … ministères. Dénonciation
Décidément, ce matériel d'après guerre n'est guère résistant. Il suffit d'un soupir de socialiste pour que les portes claquent et que les murs s'effondrent.
Déjà qu'il n'y en avait pas tellement, des murs !
Mais que les sinistrés des 460.000 immeubles détruits pendant la guerre se réjouissent : il va y en avoir.
L'Assemblée nationale a voté lundi dernier trois milliards de crédits au ministère de la Reconstruction.
Et savez-vous tout ce que l'on va pouvoir construire avec ça ? Des appartements ?.des écoles ? des piscines? des hôpitaux? Ha! ha ! ha (je ris).
On va construire des ministères !
Cette opération s'appelle pudiquement le « regroupement administratif ». Elle a déjà coûté 500 millions en 1948, 624 millions en 1947, 1 milliard 741 millions en 194S (non, je ne vous ferai grâce d'aucun chiffre).
Elle coûtera 2 milliards 958 millions en 1948 ; 75 francs par tête de Turc, pardon, par tête de Français. Avouez que c'est pour rien !
Et que l'on ne dise pas que le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (le M.R.U. dans l'intimité) ne construit rien puisqu'il a déjà construit... un ministère de la Reconstruction.
Mille ravissants bureaux quai de Passy. Et édifiés avec un grand souci d'économie, s'il vous plaît, un souci tel que les cloisons mal ignifugées ont joyeusement flambé aussitôt en place. Mais ça, c'est un détail.
Autre détail : la location du terrain du quai de Passy a été conclue pour cinquante ans.
En somme, le plus pessimiste n'est pas le sinistré qui dit : « Dans dix ans nous y serons encore », mais le ministre qui a dit : « Nous y sommes pour cinquante ans. »
Sous le signe du « regroupement administratif », on a également construit 131 bureaux rue Bixio, 640 porte des Ternes, 1.200 quai Branly. Et il en manque encore 2.000, dit-on, qui coûteront l'un dans l'autre et la fourchette de quelques-uns, dans l'assiette au beurre 600.000 fr. la pièce.
J'ai essayé d'obtenir l'énumération exacte de tous les locaux actuellement occupés par les ministères. En vain.
J'étais un peu vexée jusqu'au moment où j'ai appris par la voie du « Journal officiel » qu'il avait fallu plus d'un an aux diverses commissions chargées d'enquêter pour obtenir des hauts fonctionnaires sollicités cette énumération.
Au cas où vous auriez quelqu'un à voir au ministère de l'Intérieur, voici tout de même les différentes adresses parmi lesquelles vous avez le choix : la place Beauvau, naturellement, la rue des Saussaies et la rue Cambacérès, le 61 et le 64 rue de Monceau, le 8 rue Alfredde-Vigny, le 47 rue de Richelieu, le 48 rue Spontini, le 2 avenue Vé- lasquez, le 23 avenue de Messine, le 10 rue Pergolèse et le 4 square Charles Dickens.
Vous voyez bien qu'il est urgent de les regrouper.
Maintenant que les crédits sont votés, la commission inter ministérielle, plus le service technique de regroupement, plus le bureau du ministère des Finances obéissant à un contrôleur d'Etat chargé des opérations immobilières va décider comment les dépenser...
Trois ou quatre millions disparaîtront dans trois ou quatre des scandales habituels et avec un peu de chance, dans un an, il y aura encore un ministre de casé !
Mais comme d'ici là il y aura de nouveaux fonctionnaires, il faudra voter de nouveaux crédits pour construire de nouveaux bureaux, etc.
A moins que, à force de jouer à ce petit jeu-là, il n'y ait plus de ministère à caser... ni à casser.
Mardi, octobre 29, 2013
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