Ironise sur l'excuse de la police concernant la non arrestation de Pierrot le fou, faute d'indicateurs.
D'où vient la crise ? Car, tout le monde vous le dira, il y a une crise. On manque de plus en plus, on manque gravement d'indicateurs.
Et, en toute simplicité, la police avoue — c'est bien son tour — que si Pierrot le Fou (bis) n'est pas arrêté, c'est parce que personne n'est venu confier discrètement aux policiers où ils pouvaient le trouver. Pas si fous que ça, les Pierrots !
Remarquez que ça n'empêche pas les policiers de les chercher. Il arrive même qu'en en cherchant deux, ils en trouvent un.
Seulement, comme ils ne savent pas que c'est lui — toujours faute d'indicateurs — ils le laissent partir tranquillement et ils arrêtent quelqu'un d'autre — René l'Américain, par exemple. C'est ce qui s'est passé le 9 juillet dans un bar de la rue Custine
Depuis, ils l'ont cherché ailleurs, dans d'autres bars. Au « Pas Bileux », rue du Pas-de-la-Mule (une adresse qu'on n'oserait pas inventer et qui était bonne), ils sont arrivés, toujours faute d'indicateurs, comme les carabiniers. Pierrot y prenait bien l'apéritif.. mais deux jours plus tôt.
Enfin, ils ont arrêté quelqu'un d'autre. Cette fois, c'était René l'Aviateur.
On a emmené les deux René au Quai des Orfèvres, on leur a caressé un peu les côtelettes, histoire de leur ouvrir l'appétit avant de se mettre à table.
Mais les René n'avaient pas faim. Et les Pierrot courent toujours.
Pour le premier, on avait pourtant sérieusement essayé de le retenir; Le préfet de police, M. Luizet, lui-même, à la tête de plusieurs centaines de policiers, s'était dérangé pour aller le chercher.
Mais quand la grosse Delahaye de Pierrot le Fou n° 1 fonça pour l'emmener dans un lieu mieux fréquenté, on s'écarta respectueusement pour la laisser passer.
Pour le second, le problème n'est pas tant de le prendre que de le garder. Arrêté sept fois, il s'est évadé sept fois depuis un an et demi.
Autrefois, c'était bien commode. Il y avait « le milieu ». Et, au milieu du milieu, un certain nombre de personnages qui se faisaient un plaisir de s'épargner de petits ennuis en en causant de gros à leurs amis et connaissances. Ils indiquaient...
Maintenant qu'il y a des milieux de tous les côtés, un député n'y retrouverait pas ses lecteurs et les indicateurs,
dégoûtés, n'indiquent plus que du bout des lèvres. Or, comment voulez-vous que la police arrête des coupables si personne ne lui dit où ils sont, alors qu elle n'y parvient même pas quand elle le sait ?... Il n'y a pas de miracle. Il y a peu de Sherlock Holmes, et il y a cinquante deux pour cent des crimes qui demeurent impunis.
De sorte que les Pierrot ont une chance sur deux de mourir de vieillesse dans la peau de rentiers riches, donc considérés.
Il faut cependant reconnaître que la police n'est pas seule à ne pas arrêter faute d'indicateurs.
Tout le monde vous dira que si, par exemple, René Mayer, que l'on appelle dans certains milieux Néné le Fauché, était renseigné sur les résultats de sa politique, il l'arrêterait...
Si le petit Père Staline, dit Jojo les Bacchantes, avait été renseigné sur ce que lui préparait son fils Tito, il l'aurait fait arrêter...
Si la jeune sténodactylo de la Sûreté nationale, disciple du mage Ivanoff, dit Ivan le Tombeur, avait été renseignée sur les applications pratiques de la philosophie sexualo-divine... elle ne se serait peut- être pas arrêtée.
Enfin, si les Alliés avaient été renseignés sur ce qui leur arriverait en s'arrêtant devant Berlin, ils auraient continué.
Mardi, octobre 29, 2013
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