Louis Cane : l'envers des apparences

Portrait du sculpteur Louis Cane et de son oeuvre, à l'occasion d'une exposition temporaire sur Paris
La Bible et l'humour sec, deux pouvoirs d'expression que le sculpteur possède à leur point le plus aigu.

Quand il sculpte une crucifixion, Louis Cane met le Christ sur la croix et non sur une vache ou un dollar. Voilà comment on se fait mal voir. Mais à quoi servirait d'avoir été analysé si on se souciait de la façon dont on est vu ! Louis Cane va de son pas lent, où il lui plaît d'aller.
C'est un faux gentil, un grand drôle, malice dans l'œil. Il se meut comme un homme qui a le temps.
Tout a commencé en 1967, avec son tampon : « Louis Cane, artiste peintre ». Belle affirmation de soi. Il en a fait depuis.
Il a dans les mains une virtuosité qui lui permet toutes les audaces, un sûreté d'exécution étourdissante. Ses œuvres ne présentent jamais cette incertitude, cette approximation qui affligent tant d'artistes contemporains affrontés à la figuration, comme s'il leur manquait d'avoir acquis d'abord la maîtrise de leurs moyens.
Ce que Louis Cane a dans la tête, allez savoir... Une violence, sûrement, contrôlée. Une dureté. Une force. Refaire des Ménines ou un Déjeuner sur l'herbe, c'est une affaire entre lui et la peinture qu'il lui fallait régler, un dialogue avec Picasso peut-être, mais qui d'autre a osé peindre des parturientes ? Le besoin lui en est venu, curieusement, alors qu'il achevait une analyse. Délivrance. Naissance de Louis Cane analysé. Libre. Revenant à la figuration.
Il y a en lui l'artiste pour qui la Bible est texte de référence et dont les œuvres hurlent, il y a celui qui pose sur le monde un regard amusé, dont l'humour sec, la verve comique sont délectables.
Ce pouvoir d'expression que détient Louis Cane au bout des doigts est alors à son point le plus aigu. Les Deux Petites Dames en colère... Les Trois Femmes sur la balançoire ; La Petite Nageuse... Il y a là une saveur délicieuse.
J'aime aussi passer le doigt sur ses sculptures peintes, sentir l'épaisseur de la matière, son relief accordé à la forme qu'elle recouvre. Miracle des trois dimensions.
Bref Louis Cane me touche. Je ne connais pas de meilleur critère pour apprécier une œuvre.

Mardi, octobre 29, 2013
Le Figaro